CE JOUR-LA… 20 février 1960, clôture de la Conférence de la Table ronde belgo-congolaise.

Ce jour-là, dans la salle Europe de l’Albertine, au Palais des Congrès de Bruxelles, c’est l’ambiance des grands jours, avec sourires et soulagement : la Table ronde se termine sur un accord complet entre les délégués belges et congolais, après 1 mois de travaux. Les Congolais ont la certitude d’avoir gagné sur quasi toute la ligne : l’indépendance aura lieu le 30 juin, et ce sera une indépendance totale. Mais restent beaucoup d’incertitudes et d’inquiétudes, et les structures du futur Congo constituent d’elles-mêmes des risques majeurs d’instabilité.
Pourquoi? Parce qu’il reste 4 mois et quelques jours pour organiser les élections, mettre en place le Parlement et le gouvernement, et désigner un chef de l’État. Le gouvernement belge appellera cette course contre la montre le “pari congolais”. Les délégués congolais ont la certitude d’avoir conquis leur indépendance, même si la Belgique a cédé pouce par pouce.
La cérémonie de clôture se déroule dans un climat quasi euphorique. Les délégués congolais se réjouissent du résultat.
Patrice Lumumba, au nom de son parti (le Mouvement national congolais), remercie les Belges et décrit bien la dynamique de la négociation : “Nous avons réclamé l’indépendance immédiate et inconditionnelle de notre pays. Nous venons de l’obtenir. […] La bonne volonté et la bonne foi des représentants belges ont été remarquables […] Le fait pour la Belgique d’avoir libéré le Congo du régime colonial que nous ne supportions plus lui vaut l’amitié et l’estime du peuple congolais. […] Aujourd’hui, nous allons oublier toutes les fautes du passé, toutes les causes de nos dissensions.”
Puis, c’est Le socialiste Henri Rolin, qui prend la parole (l’opposition belge avait joué un rôle décisif pour rencontrer les revendications des Congolais. Son discours est bienveillant, et parfois paternaliste : ” Vous devrez vous assigner pour objectif l’éducation politique de vos populations. C’est une grande et redoutable aventure que celle qui vous attend. Dans beaucoup de milieux on aurait préféré – je serais même enclin de dire : j’aurais personnellement préféré – que nous eussions disposé de plus de temps pour vous familiariser avec les responsabilités nouvelles. Vous nous avez dit que c’était impossible, et nous avons reconnu qu’il était impossible de vous refuser de devenir un État pleinement indépendant. […] Soyez patients. Vous allez connaître des moments difficiles. Il y aura de temps à autre des erreurs. […] Soyez unis. “
Enfin, c’est le Premier ministre Eyskens qui prit la parole, lançant un avertissement, mais sans donner aucune précision : “En dehors de vos frontières, des hommes au regard envieux cherchent peut-être à tirer parti des moindres signes de faiblesse et de dissension […] N’ayez aucune peur. L’avenir nous donnera raison dans la sécurité et la quiétude “. Ce ne sera pas le cas…”
Ainsi s’achevait la Conférence la Table Ronde, dans le calme et la sérénité. Grâce à leur stratégie de “front commun”, les délégués Congolais rentreront au Congo avec des résultats substantiels.
Le lendemain (un dimanche matin), le Roi Baudouin recevait les délégués Congolais au Palais de Bruxelles. Il évoqua l’œuvre “généreuse” de la Belgique au Congo et ajouta : “Les déclarations que vous avez faites nous persuadent que vous appréciez à sa juste valeur tout ce que vous a apporté la Belgique”. Enfin, le Roi Baudouin, sans parler explicitement des Européens, insista sur la sécurité à assurer pour les personnes et les biens.
Joseph Kasa-Vubu, le leader de l’Abako, n’assista pas à la réception. Il avait pris l’avion la veille pour Léopoldville. L’on dit qu’il voulait être le premier à rencontrer la population. Il fut accueilli à Léopoldville par la grande foule, porté en triomphe comme “le sauveur du pays” : la campagne électorale venait déjà de commencer.

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